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Journée mondiale de lutte contre le cancer

Dr Chloé SpilleboudtActualité (04/02/2025)

Dans le cadre de la journée mondiale de lutte contre le cancer, nous nous sommes entretenus avec le Dr Chloé Spilleboudt, médecin cheffe de l’Institut Jules Bordet, centre intégré de lutte contre le cancer à Bruxelles. Nous avons discuté de l’état actuel du cancer en Belgique, des grands défis dans la prise en charge de cette maladie et des innovations mise à disposition par l’Institut pour y répondre. 

Q : Dr Spilleboudt, pouvez-vous nous faire un état des lieux sur la situation actuelle ? La recherche progresse, les dépistages sont plus répandus, et la sensibilisation à la santé semble plus importante. Peut-on dire que le cancer est en diminution, ou au contraire, en augmentation ?

Dr Spilleboudt : En Belgique, l'incidence du cancer présente des tendances différentes selon le sexe et le type de cancer. Depuis 2006, on constate une augmentation de 21 % de l'incidence du cancer chez les femmes, en grande partie à cause de la hausse des cas de cancer du poumon. Chez les hommes, cependant, on observe une légère diminution de 0,4 %. En 2021, environ 465 000 personnes vivaient avec un cancer en Belgique, soit 4 % de la population.
Les types de cancers les plus fréquemment diagnostiqués diffèrent entre les sexes. Chez les hommes, il s'agit principalement des cancers de la prostate, colorectal et du poumon, tandis que chez les femmes, ce sont les cancers du sein, colorectal et du poumon.

Q : Cette augmentation des cas est-elle liée à une meilleure détection ?

Dr Spilleboudt : En partie, oui. L'augmentation de l'incidence peut être attribuée à une amélioration des programmes de dépistage et à une sensibilisation accrue. Cela dit, certains cancers, comme le cancer du poumon chez les femmes, connaissent une véritable augmentation indépendante des progrès dans la détection, mais plutôt dû à l’augmentation du tabagisme. 

Q : L'Institut Jules Bordet est le seul centre intégré contre le cancer en Belgique. Pourquoi est-il si important pour les patients d'être pris en charge dans un tel centre ?

Dr Spilleboudt : L’avantage d’être pris en charge dans un centre intégré tel que l'Institut Jules Bordet c’est vraiment la prise charge holistique du patient. Cela inclut bien évidemment le parcours de soins de la maladie par une équipe multidisciplinaire, l’accompagnement du patient par des infirmières de coordination spécialisées en soins oncologique mais aussi un soutien psychologique par une équipe de psycho-oncologues, des conseils et soins prodigués par des infirmières en soins esthétiques, un support du service social, et la présence d’une patiente-experte permettant de partager le vécu.

Nous avons également une unité de 12 lits entièrement dédiée aux nouvelles thérapies, la New Treatment Unit qui donne la possibilité aux patients de participer à des essais cliniques pour bénéficier de traitements expérimentaux. Nos 5.000 m² entièrement dédié à la recherche nous permet d’être à l’avant-garde de la recherche contre le cancer et de faire bénéficier le plus rapidement possible les patients des avancées de celle-ci. 

En somme, être pris en charge dans un centre intégré contre le cancer comme l’Institut Jules Bordet c’est être assuré d’avoir une prise en charge complète, innovante et personnalisée et ce dans un seul hôpital.

Q : Vous mentionnez des technologies en radiothérapie, en radio-théranostique. Pouvez-vous un peu expliciter quelles sont les innovations récentes dont bénéficient les patients à l’Institut Jules Bordet ?

Dr Spilleboudt : De manière générale les avancées en oncologie permettent plusieurs innovations majeures. La médecine personnalisée, par exemple, adapte les traitements en fonction des caractéristiques génétiques de la tumeur de chaque patient. Les immunothérapies stimulent le système immunitaire pour combattre les cellules cancéreuses, tandis que les thérapies ciblées visent les anomalies moléculaires spécifiques des cellules cancéreuses.
A l’Institut Jules Bordet nous utilisons également des techniques de radiothérapie avancées, comme l'IRM-Linac, une machine que nous avons acquis grâce à son financement par l’Association Jules Bordet, premier donateur de l’Institut. Elle permet une irradiation plus précise, qui s’adapte à l’anatomie du patient réduisant ainsi les effets secondaires. Nous sommes un des seuls centres en Belgique à pouvoir la proposer. Grâce à l’Association Jules Bordet, le service travaille également sur des projets de flash thérapie et de total IRM workflow qui sont le futur de la radiothérapie. En médecine nucléaire nous avons également beaucoup d’innovations à proposer avec la radio-théranostique consiste à identifier une "cible" exprimée par les cellules cancéreuses, à élaborer un "vecteur" qui reconnait la cible et à accrocher à ce vecteur un isotope qui va sélectivement irradier la tumeur. Ce traitement déjà reconnu et appliqué dans les tumeurs neuro-endocrines et le cancer de la prostate est en train de s'étendre à d'autres cancers. Le service de médecine nucléaire, leader dans ce domaine depuis de nombreuses années grâce au soutien de l’Association Jules Bordet, travaille d’ores et déjà activement à cette expansion. Nous pouvons aussi proposer la thérapie par CAR-T, une méthode révolutionnaire qui consiste à modifier génétiquement en laboratoire les cellules immunitaires du patient et les lui réinjecter afin qu’elles soient capables d’attaquer les cellules cancéreuses. 

Q : Quels seront les défis principaux de la prise en charge du cancer en 2025, et comment l'Institut Jules Bordet pourra y répondre ?

Dr Spilleboudt : En 2025, plusieurs défis devront être relevés dans la prise en charge des cancers. Le vieillissement de la population augmentera le nombre de patients âgés, nécessitant des approches adaptées. L'intégration des nouvelles technologies, comme l'intelligence artificielle et les big data, jouera un rôle clé dans l'amélioration des diagnostics et des traitements. Nous utilisons déjà ces nouvelles technologies pour le diagnostic du cancer du sein mais il y a énormément de potentiel à explorer. Nous devrons aussi répondre aux besoins psychosociaux des patients et de leurs familles, en prenant en compte l'après-cancer et son impact psychologique. Plusieurs projets de survivorship sont en cours notamment pour les patients atteints de cancers du sein, gynécologiques, hématologiques mais aussi urologiques.  L'Institut Jules Bordet est déterminé à offrir les meilleurs soins tout en assurant une égalité d’accès aux innovations médicales pour tous les patients.