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Pr Martine Piccart fait le point sur la recherche contre le cancer du sein

Communiqué de presse (05/10/2020) 

La recherche contre le cancer avance et permet aux cliniques du sein de proposer un traitement sur mesure pour de nombreux cancers

thérapie seinBruxelles, le 5 octobre 2020 – Le Professeur Martine Piccart, Directrice de la recherche scientifique à l’Institut Jules Bordet, fait le point sur des avancées très concrètes qui permettent aux cliniques du sein de proposer un plan thérapeutique de plus en plus personnalisé, associé à une désescalade significative des traitements pour des patientes sélectionnées.

« Choisir de se faire soigner dans une clinique du sein, c’est opter pour une médecine de pointe et un cadre médical dans lequel chaque cas est discuté de manière collégiale dans une consultation oncologique multidisciplinaire. C’est choisir une méthode d’analyse de la maladie et un traitement calibré pour chaque type de cancer du sein. » explique le Pr Martine Piccart.

La signature Mammaprint, une avancée de taille dans l’individualisation des traitements des cancers du sein hormonodépendants diagnostiqués précocément
Une analyse génomique pour prédire si oui ou non, une patiente suivie pour un cancer du sein hormonodépendant bénéficiera d’une chimiothérapie administrée en plus d’une hormonothérapie. C’est le projet de l’étude Mindact menée par l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) et le BIG (Breast International Group) depuis 2009 et dont l’Institut Jules Bordet fut l’un des centres de recrutement clé en Europe. La recherche a aujourd’hui neuf ans de recul sur cette étude dont les dernières analyses ont récemment été présentées au congrès de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology).

Le principe de l’étude Mindact
Mindact étudie l’utilité clinique du test pronostique Mammaprint, un test génomique qui permet de prédire si une chimiothérapie adjuvante apporte un bénéfice additionnel en termes de survie sans rechute pour les femmes qui reçoivent systématiquement déjà une hormonothérapie pour leur cancer du sein hormonodépendant. Cancer qui, rappelons-le, représente trois quarts des cancers du sein actuels. »

L’impact concret pour les patientes concernées
La signature Mammaprint permet de désescalader le traitement sans risque pour les femmes de plus de 50 ans. La signature est une expression de gènes pour les cancers du sein hormonodépendants et permet d’identifier les femmes de plus de 50 ans qui ne tireront pas de bénéfices de l’addition d’une chimiothérapie à leur hormonothérapie. Il s’agit dès lors d’une avancée marquante en matière de personnalisation du traitement pour cette catégorie de patientes.

Les résultats de l’étude Mindact, avaient déjà été publiés en 2016 avec un recul de 5 ans. Ceux-ci ont été présentés cette année au congrès de l’ASCO avec une analyse plus mature et un recul de 9 ans. Cette analyse montre que le test est particulièrement performant au-delà de 50 ans pour les patientes jugées par leur oncologue à risque élevé de rechute sur base de critères cliniques mais qui ont une signature de gènes « Mammaprint » considérée comme à bas risque. L’étude Mindact montre que le devenir de ces patientes, avec un recul de 9 ans, est identique avec ou sans chimiothérapie.

Chez les femmes de moins de 50 ans la signature Mammaprint est informative mais omettre la chimiothérapie peut conduire à un risque plus élevé de rechute (autour de 5%).

« Cet essai Mindact est particulièrement important. Il y a aujourd’hui beaucoup de biomarqueurs qui enthousiasment les chercheurs et les médecins, mais il y en a peu qui font l’objet d’une étude de validation aussi poussée. L’essai Mindact est basé sur plus de 6600 femmes recrutées à travers toute l’Europe. C’est un effort considérable qui a été développé pour démontrer l’efficacité d’un biomarqueur. Pour bon nombre d’autres biomarqueurs intéressants, cette démonstration à grande échelle n’existe malheureusement pas encore. »

De nouveaux médicaments ciblés pour les cancers hormonodépendants
Ici aussi, des grands pas ont été réalisés en terme de survie des patientes. Lorsque le cancer hormonodépendant d’une patiente récidive, la maladie devient incurable. L’ont fait alors appel à des armes thérapeutiques qui permettent de contrôler la maladie pendant un certain nombre d’années. Dans ce contexte, il a été prouvé récemment qu’une nouvelle catégorie de traitements ciblés contribue à augmenter la survie de ces patientes avec des effets secondaires limités. Ces médicaments ciblés s’ajoutent à l’hormonothérapie, s’administrent oralement et sont appelés « inhibiteurs CDK-46 ». Ce sont des médicaments qui retardent le développement d’une résistance au traitement d’hormonothérapie en bloquant des voies de signalisation que la cellule tumorale peut utiliser pour favoriser sa survie.

« Ces médicaments sont au nombre de trois : le PALBOCICLIB, le RIBOCICLIB et l’ABEMACICLIB. La recherche clinique a démontré ces derniers mois que cette famille de médicaments permettait non seulement d’augmenter la survie des patientes mais aussi leur qualité de vie »

Des médicaments ciblés pour les cancers du sein HER2 positif de stade précoce
« Une autre avancée thérapeutique importante se situe au niveau des cancers du sein HER2 positifs, qui représentent 15-20 % des cancers du sein en Belgique. Grâce au développement de médicaments ciblés qui visent le tendon d’Achille de ce cancer en l’occurrence le récepteur HER2, il est possible, à un stade précoce de la maladie (pas de métastases), de proposer une approche thérapeutique très personnalisée ».

La recherche a montré que pour les petites tumeurs sans atteinte de ganglion, on peut simplifier la chimiothérapie et se limiter à une seule drogue de chimiothérapie (le Taxol), associée à une thérapie ciblée, le trastuzumab. Évitant ainsi le recours à des traitements bien plus agressifs tels que pratiqués depuis des années. 

Pour les tumeurs de taille plus importantes, on favorise aujourd’hui les traitements par médicaments avant la chirurgie. On a montré qu’en utilisant deux anticorps contre le récepteur HER2 en association avec une chimiothérapie, l’on pouvait obtenir une rémission complète de la maladie (la tumeur disparait) avant la chirurgie dans 60% des cas.

Enfin, pour les femmes qui n’ont pas de disparition totale de la tumeur à la chirurgie et qui présentent dès lors un risque élevé de rechute, il a été démontré que la prise du médicament TDM1 après la chirurgie les protège de manière importante contre la récidive avec une bonne tolérance au traitement. Le médicament TDM1 fonctionne comme un cheval de Troie. Il s’agit du trastuzumab auquel on attache un agent de chimiothérapie très toxique mais qui n’attaque que les cellules tumorales grâce à l’anticorps trastuzumab qui reconnait les cellules tumorales de manière privilégiée.

« La recherche a également montré cette année que d’autres médicaments, basés sur le même principe, obtenaient des taux de réponse spectaculaires pour des cancers avancés. Les perspectives dans cette voie sont donc très encourageantes. »

L’immunothérapie contre le cancer du sein, une piste de recherche prometteuse
Les immunothérapies sont considérées comme intéressantes en particulier pour les cancers du sein qui n’ont pas de récepteurs, appelés « cancers du sein triple négatif » (pas de capteurs hormonaux, pas de récepteurs HER2). Les cancers triples négatifs se traitent avec une chimiothérapie mais lorsqu’il y a une récidive (dans 50% des cas), le pronostic est relativement sombre. Dans ce cas, l’immunothérapie montre des résultats encourageants. En effet, si l’on ajoute une immunothérapie à la chimiothérapie, on obtient des meilleurs résultats mais ceux-ci sont encore fragiles.

« Il est probable que pour les cancers du sein, il faudra continuer à faire des recherches avec des immunothérapies combinées (combinaison d’immunothérapies différentes) en plus de la chimiothérapie.  Il s’agit d’un domaine dans lequel la recherche doit absolument investir. Une piste intéressante est de tester ces thérapies combinées tôt dans le traitement, avant une rechute, dans une visée curative. »

L’étude « Alexandra »
L’Institut Jules Bordet est responsable de la collecte des données de la première grande étude mondiale qui teste une chimiothérapie avec une immunothérapie, comparé à une chimiothérapie seule, pour les patientes présentant un cancer du sein triple négatif et qui ont été opérées. L’étude Alexandra, coordonnée par le BIG, est aujourd’hui en pleine phase de recrutement.

 

 



Martine Piccart