La théranostique est une approche basée sur la radiothérapie interne vectorisée qui consiste à utiliser un même agent pharmaceutique doté de propriétés à la fois diagnostiques et thérapeutiques, en remplaçant simplement l’isotope attaché. Ainsi, l’imagerie diagnostique permet de vérifier si la cible thérapeutique est présente avant d’administrer le traitement au patient. Cette méthode fait partie des thérapies ciblées en oncologie, s’inscrivant dans l’approche de la médecine personnalisée. Dans le cas du cancer de la prostate, les traitements isotopiques approuvés et utilisés incluent le Radium-223 et le Lutétium-177-PSMA. Ces agents, injectés par voie intraveineuse, ciblent des structures spécifiques des cellules cancéreuses pour délivrer des radiations locales, tout en minimisant les effets sur les tissus sains.
Le théranostique s’adresse principalement aux hommes atteints d’un cancer de la prostate métastatique pour lesquels les traitements initiaux par hormonothérapie ont échoué, et ayant reçu au moins une ligne de chimiothérapie, sauf en cas d’inéligibilité ou de refus de celle-ci.
Le traitement théranostique repose sur une organisation précise en quatre étapes principales :
Évaluation préalable
Avant de commencer, une évaluation détaillée du patient est réalisée pour déterminer son éligibilité. Cette étape comprend des examens d’imagerie avancés, notamment un PET-scan au PSMA, pour confirmer l’expression de cibles tumorales spécifiques. Une analyse sanguine est également réalisée pour évaluer l’état de la moelle osseuse ainsi que les fonctions rénale et hépatique. Ces paramètres permettent de vérifier si le patient est un bon candidat, d’anticiper d’éventuels effets secondaires du traitement et d’optimiser son efficacité. Une consultation avec un médecin nucléaire sera ensuite programmée pour discuter des résultats, de la prise en charge et des instructions à suivre.
En savoir plus sur le PET au PSMA
Procédure d’administration
Le Radium-223 est administré sous forme d'injection intraveineuse, généralement en six cycles espacés de quatre semaines.
Le Lutétium-177-PSMA, quant à lui, est administré par perfusion intraveineuse tous les 6 à 8 semaines, pour un total de 4 à 6 cycles.
Hospitalisation
En règle générale, ce traitement nécessite une hospitalisation de courte durée. Pour le Radium-223, le traitement est réalisé en ambulatoire et la procédure ne dure que 1 à 2 heures. En revanche, pour le Lutétium-177-PSMA, le produit étant éliminé par les urines pendant les 12 premières heures, l’administration se déroule en chambre métabolique, nécessitant une hospitalisation d’une nuit.
Suivi
Un suivi rigoureux est indispensable après chaque cycle. Il comprend des dosages réguliers du PSA pour surveiller la réponse tumorale, ainsi que des examens d’imagerie pour évaluer l’évolution des métastases. Les effets secondaires, bien que moins fréquents qu’avec la chimiothérapie, sont surveillés de près, avec des ajustements possibles pour les cycles suivants en fonction de l’état du patient. Cette étape est essentielle pour maximiser l’efficacité du traitement tout en minimisant les risques.
Le traitement par théranostique présente plusieurs avantages :
- Efficacité ciblée : Irradiation des cellules tumorales tout en préservant les tissus sains. Diminution des marqueurs tumoraux et du nombre et taille des lésions métastatiques.
- Amélioration des symptômes : Réduction des symptômes liés au cancer, notamment la douleur osseuse.
- Qualité de vie : Moins d’effets secondaires que la chimiothérapie.
Le théranostique est généralement bien toléré, mais comme tout traitement médical, il peut entraîner des effets indésirables.
Pour le Radium-223, les complications les plus fréquemment rapportées sont d’ordre hématologique (anémie ou thrombopénie). Ces effets sont liés à l’impact de la radiothérapie sur la moelle osseuse, bien que cette toxicité soit habituellement modérée.
Le Lutétium-177-PSMA, quant à lui, peut entraîner une fatigue transitoire et une sécheresse buccale, résultant de la fixation du radiopharmaceutique sur les glandes salivaires. Bien que rares, des cas de toxicité rénale ont été observés, particulièrement chez les patients présentant une fonction rénale altérée avant le traitement.
D’autres effets secondaires incluent des douleurs temporaires au niveau des sites de métastases osseuses, souvent interprétées comme un signe de réponse thérapeutique. Ces douleurs, appelées "flares osseux", s’atténuent généralement avec des analgésiques standards.
Sur le long terme, le risque de complications graves reste faible, mais une surveillance attentive est indispensable pour détecter précocement tout effet indésirable. Un suivi régulier par des dosages de PSA et des examens d’imagerie permet d’évaluer à la fois l’efficacité du traitement et la sécurité pour le patient.
La révolution des traitements par radiopharmaceutiques
Le théranostique, en particulier avec le Lutétium-177-PSMA, a révolutionné la prise en charge du cancer de la prostate avancé. Les essais cliniques récents, notamment les études VISION et TheraP, ont permis de valider son efficacité dans le traitement des cancers métastatiques résistants à la castration (mCRPC). Le traitement de ces patients est particulièrement complexe en raison de la progression rapide de la maladie malgré les traitements hormonaux et de la résistance fréquente aux thérapies standard, comme la chimiothérapie.
Le Centre du Cancer de la Prostate Willy Grégoir et le département de médecine nucléaire de l’Institut Jules Bordet sont fiers d’avoir participé à l’étude VISION en qualité d’investigateur, soulignant notre engagement dans ces solutions thérapeutiques innovantes.
L’étude VISION, une étude de phase III, a démontré une amélioration significative de la survie globale (15,3 mois contre 11,3 mois) et de la survie sans progression radiographique (8,7 mois contre 3,4 mois) chez les patients recevant Lutétium-177-PSMA en combinaison avec le meilleur traitement standard par rapport au traitement standard seul. Ces résultats soulignent la capacité du radioligand à offrir une option thérapeutique efficace pour des patients ayant épuisé d'autres lignes de traitement.
L’étude TheraP, un essai de phase II, a comparé le Lutétium-177-PSMA au cabazitaxel (chimiothérapie) et a démontré une meilleure réduction du PSA de 50% ou plus chez 66% des patients dans le groupe Lutétium-177-PSMA, contre 37% dans le groupe chimiothérapie. Bien que la survie globale n'ait pas montré de différence significative, le Lutétium-177-PSMA a été favorisé pour les taux de réponse PSA et les effets secondaires moins sévères que ceux liés au cabazitaxel.
Par ailleurs, les recherches actuelles explorent l’utilisation de cette thérapie à des stades plus précoces de la maladie. Par exemple, l’essai Splash évalue le Lutétium-177-PSMA avant la chimiothérapie chez les patients atteints de mCRPC, tandis que l’essai LuTectomy examine son utilisation en néoadjuvant avant une prostatectomie radicale. En parallèle, de nouveaux isotopes plus puissants, comme l’Actinium-225-PSMA ou le Plomb-212-PSMA, sont en cours de développement. Les résultats préliminaires de ces études montrent un potentiel prometteur pour une application élargie et précoce de cette technologie révolutionnaire.
L’Institut Jules Bordet a été le premier centre en Belgique à utiliser ce type de thérapie ciblée et est devenu un centre d’excellence de renommée mondiale. Plusieurs études de recherche sur de nouvelles approches théranostiques sont en cours au sein du Département de Médecine Nucléaire et pourraient vous être proposées dans le cadre de votre prise en charge au Centre du Cancer de la Prostate Willy Grégoir.